À fleur de peau

FEAT

Akemi

Azzuen

   

Everything's Alright - To The Moon OST

C'est lors d'un vulgaire entraînement que l'alarme sonna. Au son de la cloche, tout le monde avait abandonné ses occupations pour prendre leurs armes et se diriger avec empressement vers la sortie. Un problème était survenu en ville, l'armée avait été appelée pour venir régler le problème. Il était bien rare d'être réclamés pour de telles situations, mais lorsque la ville avait besoin de nous, c'était parce que cela dépassait les simples petites embrouilles entre deux villageois. C'était pour cela que nous savions que nous n'avions pas de temps à perdre.

Je n'avais pas vraiment vu Azzuen, je l'avais perdu dans le troupeau qui accourait vers où il avait besoin de son aide. Il était peut-être si petit que je ne l'apercevais pas, mais je savais bien qu'il était là. Je lui faisais bien confiance, après tout. Mon petit protégé avait bien suivi le rythme depuis quelques jours, je pouvais même dire qu'il s'était amélioré. Mais d'un sens, je ne croyais pas que ce dernier était prêt à combattre. Qu'allais-je faire si, en plein combat, il mourrait? ... J'espérais de tout coeur que cela ne se produise pas! J'allais donc rester près de lui, surveiller ses moindres mouvements et être prêt à lui venir en aide, si jamais le besoin se présentait.

Nous nous rendîmes donc sur place. J'avais enfin repéré Azzuen, mais j'avais également remarqué cette violente manifestation de rebelle. Combattre la violence par la violence, était-ce cela notre mission? Il semblait bien que cela était bel et bien l'unique solution, vu les ravages qui étaient causés par tous ces manifestants enragés!

Je criai donc l'ordre de se jeter dans la mêlée. J'espérais surtout de tout coeur que les fidèles étaient déjà rentrés chez eux se terrer, puisque je n'avais pas envie de recevoir un avis comme quoi mes supérieurs n'étaient pas contents de moi...

Je participais moi aussi à la bagarre. Arme blanche au poing, je faisais couler le sang tout comme mes soldats le faisaient, bien que je me préoccupais surtout de garder un oeil sur mon ange, mettant ma propre vie en danger pour ce manque d'attention. J'ignorais ma propre douleur, j'ignorais mon propre danger...

La cloche avait sonné, je ne comprennais pas la situation, mais je comprennais que ça signifiais quelque chose d'important. Je suivais donc tout le monde, ils allaient chercher leurs armes à feu et leurs couteaux. J'avais donc immédiatement compris ce qui se passait: un groupe de rebelles faisait du ravage en ville. J'espèrais du fond du coeur que ce n'était pas très grave et que nous n'aurions presque pas à combattre.

J'aurais eu envie de me blottir contre Akemi à ce moment précis seulement pour qu'il puisse me réconforter et me dire que ce n'était qu'une mauvaise blague d'un soldat d'avoir fait sonner la cloche, mais je n'arrivais pas à le trouver. J'avais donc abandonné tout espoir de le retrouver avant la bagarre. Dès que j'avais senti le poids de mes armes sur mon moi, mon corps avait commencé à trembler de tout son être. Et si je venais à mourir? Ce serait affreux, mais il fallait que je m'y fasse. Je m'étais engagé dans l'armée, ce n'était pas pour juste m'entrainer et jamais risquer ma vie.

J'avais oublié ma fatigue et je maintenais le rythme des autres soldats. Nous nous étions donc rassemblés et nous nous dirigions vers l'agitation des rebelles en ville. Nous pouvions les entendre de loin, ça me faisait peur. Chez moi, j'avais déjà entendu une bagarre lorsque j'étais petit. J'avais regardé à travers ma fenêtre pour pouvoir voir ce qui se passait, et c'étaient quelques soldats qui se battaient contre des rebelles. Ce souvenir m'a fait peur, vu que nous allions faire couler le sang comme les soldats que j'avais vu dans ce temps.

Rendu à destination, nous nous étions tous arrêtés. J'avais entendu la voix d'Akemi, j'avais relevé la tête en me mettant sur le bout des pieds afin d'essayer de le voir à travers les soldats. Je lâchais des petites plaintes presque inaudible, craignant de le rater. Quelques instants plus tard, je m'étais fais bousculé par un soldat qui s'en allait vers le combat. Je n'avais pas réussi à voir Akemi, jusqu'à ce que je relève la tête à nouveau et que je voie ses cheveux blonds. Juste l'avoir aperçu me redonnais un peu d'espoir.

Arme à la main, je m'étais dirigé avec les autres soldats dans le combat. J'avais de la misère à tenir mon arme, j'avais peur. J'étais plus petit que tout le monde, mais plus rapide. D'un sens, ça me donnais un avantage puisqu'ils penseraient sûrement que je ne suis qu'un gamin s'étant mêlé par malheur à la foule, et en plus ils auraient de la misère à m'atteindre. Je retais le plus possible à l'équart, pour ne pas me faire attaquer de tous les côtés.

Le dos ennemi s'était présenté à moi, j'avais donc saisi ma chance de l'attaquer même si mon coeur me disait de ne pas agir comme ça. Utilisant toute la force, dans mes bras, je l'avais poignardé du mieux que je pouvais. La lame n'était pas rentrée à moitiée dans sa chair, mais j'avais forcé vers le bas pour que ça laisse une marque dans le dos de l'homme. Il avait crié de douleur par ma faute et s'était retourné brusquement pour me frapper. À cause de ce coup, tout dans ma tête était mélangé, j'avais l'impression de ne plus comprendre ce que je faisais là. J'avais senti le sol sous moi, j'étais par terre. L'homme s'était rapidement accrouplis pour prendre mon arme. J'avais assez repris mes esprits pour me débattre en lâchant des cris de peur, mais c'était inutile. L'homme était plus fort que moi et m'avait donc repoussé pour me planter mon arme blanche sur mon corps. J'avais lâché un cri de douleur, sentant la lame dans mon corps. Mon coeur battait très rapidement, et j'essayais de tirer de l'air pour pouvoir respirer. J'avais de la misère à respirer, comme s'il m'avait perforé un poumon. Je sentais que quelque chose n'allait plus dans mon corps, mais la douleur m'empêchait de penser à autre chose qu'essayer de boucher ce trou et gémir de douleur.

Environ cinq secondes s'étaient égrenées avant que je repose les yeux sur Azzuen. J'avais dû le quitter du regard pour pouvoir porter mon attention sur mon combat, j'avais failli y passer. Mais c'est là que je me rendis compte qu'au lieu de me concentrer sur mon ennemi, j'aurais dû surtout surveiller mon petit ange. Il s'était fait attaquer. Je repoussai rapidement mon assaillant pour pouvoir accourir vers ce pauvre petit qui venait tout juste de recevoir un coup qui l'avait fait tomber durement sur le sol.

Mes oreilles faisaient un bruit atroce, tant qu'il couvrait tous les autres sons de ce chaos général. Mes autres sens, quant à eux, ils avaient perdu toutes leurs capacités. Je ne ressentais pas ces gens que je bousculais pour me frayer un chemin, je ne sentais pas non plus l'odeur âcre du sang qui devait sans doute flotter dans l'air et ma vision commençait à devenir un peu trouble.
J'arrivai tout juste quand l'homme lui avait planté l'arme blanche, désormais rouge, dans la poitrine d'Azzuen. Le froissement constant dans mes oreilles laissa place à une absence totale de son. Mon disciple allait clairement mourir, vu où il avait été touché. J'aurais dû pleurer rien qu'à cette idée, mais l'adrénaline ne fit que provoquer une rage incontenable en moi.

Je plaquai l'ennemi, le faisant vaciller jusqu'à ce que ce dernier tombe sur le sol, puis je m'emparai de ce petit corps qui gisait sur le sol. À toutes jambes, je me dirigeais vers l'endroit le plus sûr à proximité. S'il avait à mourir, Azzuen n'allait pas mourir dans un chaos pareil, mais bien dans un endroit plus tranquille, voire même paisible.

Nous nous séparions donc de ce gros tas de potentiels cadavres, de futurs cadavres et de cadavres tout court. Une ruelle un peu plus recluse m'apparut presque devant les yeux. Nous allâmes nous y réfugier, avec l'espoir que personne ne nous avait suivi. Normalement, j'aurais pris le temps de vérifier si nous avions été suivis, mais à ce moment-là, je ne pensais qu'à sauver mon chéri.

Arrivés dans cet endroit un peu plus sombre et sale, je déposai Azzuen sur le sol, adossé contre le mur de briques. Agenouillé près de lui, rien que pour me prouver qu'il était encore en vie, aussi faible qu'il avait pu l'être, je cherchai son pouls dans son cou. J'en fus soulagé de voir que celui-ci battait encore parfaitement. Soulagé, mais pas au point d'empêcher mes yeux de se remplir de larmes.

À ma façon de penser, un homme n'avait pas le droit de pleurer, pourtant je le faisais. Azzuen, mourir? Cela ne semblait m'être jamais traverser l'esprit. Pendant ces deux semaines qui s'étaient écoulées depuis que je l'avais rencontré, l'idée qu'Azzuen puisse réellement mourir ne semblait pas m'être vraiment venue à l'esprit. Maintenant, je devais être confronté au fait qu'Azzuen n'était pas un véritable ange, mais bel et bien un être humain. Un vulgaire gamin auquel on pouvait enlever la vie, comme on aurait pu le faire pour moi, pour eux et pour vous.

Je retirai le couteau qu'il avait de planté dans la poitrine en ignorant son cri de douleur, puis j'ouvris rapidement la chemise motif armée propre à l'uniforme de mon armée qu'il portait. J'étais si désespéré que je voulais bien me mettre à croire qu'il nous restait une chance. Sa plaie saignait abondamment. Il fallait absolument faire quelque chose. C'était horrible à voir. Je pris donc sa chemise que je lui avais enlevée et je coupai une des deux manches avec l'aide de mon couteau afin de faire à Azzuen un bandage artisanal. C'était tout ce que je pouvais faire.

Le tissu fut rapidement trempé de sang. Je commençais à paniquer. Mon petit Azzuen ne pouvait pas mourir. Il ne pouvait pas mourir sans avoir tout ce que j'éprouvais pour lui. Je ne m'y connaissais pas du tout en premiers soins. Je fis donc ce qui me semblait le plus logique, tout en laissant le bandage là : pour aider à la coagulation de son sang, j'avais plaqué mes mains contre son torse, près de la blessure en appuyant plutôt fortement pour pouvoir empêcher le sang de trop couler. C'était probablement l'hémorragie qui avait plus de chances de le tuer.

—Ça va aller Azzuen... Ne panique pas...

C'était moi qui paniquais surtout ici.

J'attendais de me faire tuer, voyant que ça servait à rien de me débattre, mais j'essayais tout de même puisque j'y voyais un petit espoir. Avoir la lame dans mon corps me faisait affreusement mal, aucunes douleurs que j'avais vécu jusqu'à maintenant était semblable à celle-ci. J'avais l'impression qu'on m'avait transpersé le coeur de bord en bord, même si ce n'en était pas le cas. Le pire, c'est que ce n'était même pas mon coeur qui était touché.

L'homme avait soudainement arrêté et se battais avec quelqu'un d'autre. J'étais beaucoup trop préoccupé à couvrir ma plaie que de voir qui m'avait aidé à me débarasser de l'homme qui m'avait transpersé. Soudainement, quelqu'un m'a prit dans ses bras avant de s'en aller le plus rapidement possible du combat. Ne voyant pas qui c'était, j'avais essayé de me débattre, mais j'avais finalement réalisé qu'en voyant ses cheveux blonds, c'était mon général qui me transportais. Immédiatement, j'avais cessé toute agitation en m'abandonnant à lui.

Je fus déposé au sol, dans une ruelle plutôt sombre et sale pour cette magnifique journée. J'avais de la misère à lever la tête juste pour voir son visage, même s'il s'était accrouplis. J'étais cependant affreusement heureux de le voir à côté de moi. Détournant la tête, mon corps se mit automatiquement à essayer de retirer de moi le sang qui s'était écoulé à la mauvaise place, ce qui me fit tousser et cracher du sang au sol. J'en avais sur le bord de la bouche, mais cela m'importait peu. Juste tousser m'avait rappelé toute la douleur que j'éprouvais en ce moment même.

Ma main était couverte de rouge, de sang frais. Akemi retira soudainement le couteau, ce qui me fit crier de douleur, et même en pleurer. Mon état était pitoyable, mais vraiment. Ma respiration devenait de plus en plus difficile. Rapidement, Akemi m'avait enlevé la chemise. Il m'avait ensuite fabriqué un bandage, puis me l'avais installé autour de ma blessure. Ce n'étais pas très utile, vu qu'il était déjà plein de sang. Je levais mon regard pour voir son expression, comme il se sentait. Je le voyais pleurer, la panique se lisait dans les yeux. Et pourtant, il me disait de ne pas paniquer et mettais sa main contre ma blessure.

Je me sentais à nouveau faiblir, en lâchant contre ma volonté quelques gémissements de douleur. Mes yeux étaient mis-clos, je me forçais à ne pas les fermer, vu que je le savais que j'allais m'endormir pour toujours, sinon. Je croyais que je n'avais pas peur de mourir, avant, mais ce n'était finalement plus le cas. J'avais envie de savourer chaque moment en sa compagnie, une nouvelle fois, découvrir le monde, assister au jour où la paix reviendra. J'avais envie d'assister à ça, avec lui. Cependant, je n'avais plus d'espoir. La seule chose qui se trouvait au fond de ma pensée c'était le désespoir. Au moins, à ma mort j'aurai été avec lui. Je compatissais, puisqu'il allait devoir affronter le fait que je ne sois plus là.

Utilisant le peu de force que j'avais, et un geste qui ne me faisait pas souffrir le martyre, j'avais levé mon bras afin de porter ma main jusqu'à son visage. Il y avais du sang légèrement sèché sur celle-ci, mis ça ne semblait pas être problèmatique. Akemi n'allais même pas y penser. J'avais glissé mon pousse pour essayer d'essuyer ses larmes, en vain.

Akemi... C'est toi qui panique... Chante-moi une petite chanson.. Je vais me reposer pas longtemps, n'est-ce-pas...? ...Je ne vais pas dormir longtemps...ne t'en fais pas...demain on ira en ville,d'accord..?

J'avais envie d'une petite chanson, pour m'endormir. J'essayais de me convaincre que je n'allais dormir qu'un peu et me réveiller le lendemain, à ses côtés pour pouvoir sourire, rire, et être heureux. Je ne voulais pas penser à ce que j'allais perdre en m'endormant. Je voulais bloquer cette idée. Cependant, des larmes coulaient toutes seules sur mes joues. Même si j'essayais de me mentir à moi-même, je le savais que mon heure était venue.

J'avais senti sa main se poser contre ma joue. Sa chaude main alors que son corps tout entier semblait se refroidir peu à peu. Je m'étais mis à trembler par peur, panique, tristesse et tout un tas d'autres émotions négatives. C'était peut-être la dernière fois que j'allais pouvoir être touché par lui ou le toucher. Entre la haine de tous les rebelles et le mépris respectueux de tous mes soldats, seul Azzuen avait su me donner un peu de sa joie. C'était encore pire que douloureux, de devoir le regarder, à se mourir à petits feux. Cette situation était une vraie torture, tant que, aussi égoïste que cela aurait pu paraître, j'aurais préféré être à sa place et que lui soit à la mienne pour ne pas avoir à ressentir tout ça.

Sous l'élan de panique qui me donnait surtout de l'adrénaline, j'appuyais un peu plus fort contre la plaie, bien que cela était fort probablement douloureux pour Azzuen. À la longue, le sang coulait moins sur son ventre, comme coagulé à son endroit de fuite. Je ne le remarquais pas tout de suite, probablement trop absorbé par tous ces ressentiments presque nouveaux.

Azzuen articula quelques mots faiblement. Quelques mots qui me firent perdre complètement mon sang froid. Lui chanter une chanson pour qu'il s'endorme? Il voulait vraiment aller vers la Mort qui lui tendait les bras, se livrer au sommeil éternel que cette dernière lui offrait? Une de mes mains qui étaient sur la blessure cessa de suivre l'opération de sauvetage comme le faisait si bien sa deuxième partenaire pour plutôt s'abattre contre sa joue du plus fort que je l'avais pu. Sur son visage se marquait le rouge que la claque avait provoqué, en plus du rouge de son sang que j'avais sur les doigts et la main. Quant à mon propre visage, lui, était couvert d'un voile de colère mélangé à de la tristesse.

—Non mais tu te prends pour qui! Azzuen, je t'interdis de t'endormir! Reste avec moi!

Les larmes coulaient encore plus sur mes joues, je lui avais hurlé dessus d'une voix totalement empreinte de frustration avec un soupçon de haine. Et oui, à ce moment-là, je haïssais presque ce jeune garçon dont je n'aurais probablement jamais pu faire de mal. Je le détestais parce qu'il voulait s'endormir. Je l'abhorrais parce qu'il voulait abandonner. Mais malgré cela, je gardais toujours ce sentiment d'amour profond à son égard. Et cela se révéla à lui en moins de deux, sous la panique que je contenais au fond de moi tant bien que mal.

J'avais essuyé le sang du bord de ses lèvres ainsi que sur sa joue, mes tremblements ne s'étaient qu'amplifiés sous l'effet de ses paroles d'abandon.

Vint ensuite l'étape où, malgré le fait que je pleurais comme une Madeleine, j'avais plaqué mes lèvres contre les siennes. Je me fichais complètement de ce qu'il allait penser, lorsque j'avais agi. Peut-être était-ce pour me réconforter moi-même que je l'avais fait, peut-être était-ce simplement un geste de provocation, tout comme cela pouvait être pour lui prouver que je l'aimais. C'était peut-être également un peu de ces trois choses.

Je ne cherchais même pas à me décoller de lui pour voir sa réaction. Ce baiser j'avais eu envie de le faire durer pour l'éternité, mais après qu'une minuscule fraction de seconde, je m'arrachai de force de lui. Je pleurais encore, même si j'avais pu ressentir des émotions agréables en l'embrassant. Ma frayeur avait laissé place à une faiblesse. Une tristesse incurable. Il n'allait pas réellement mourir, si? Je ne savais plus trop quoi penser. Mes pensées s'embrouillaient, se contredisaient... Qu'allais-je faire?

Le sang coulait moins malgré tout, mais je continuais d’être déchiré par la peine, n’ayant pas pris le soin de vérifier s’il y avait amélioration au niveau de sa plaie. Azzuen allait se sentir très faible pour le moment, mais ce qui était certain, c’était qu’il n’allait pas mourir. Or, ça je ne le savais pas du tout. J’étais encore fixé sur mon idée qu’il allait crever comme un sale chien, sans avoir accompli la moindre chose de bien dans sa vie.

—Reste avec moi… C’est un ordre…

Mes yeux presque entièrement clos, j'essayais de ne plus rien penser, juste essayer de m'endormir. Ce n'étais pas très difficile, vu mon corps et mon cerveau qui me disaient d'abandonner. Cependant, mon cœur refusait de me laisser tranquille et de me laisser rejoindre la mort. C'était le seul élément de mon pitoyable corps qui me maintenait encore en vie. Sans ce dernier, je serais mort probablement directement après m'être fait déposé à cet endroit sale et sombre. La douleur intensifiais secondes après secondes, je me sentais de plus en plus vide à l'intérieur de moi que jamais. Peut-être étais-ce finalement le moment venu?

Me tirant de mes pensées d'abandon, une main couverte d'un liquide rouge clair vint frapper ma joue assez violemment que mes yeux s'étaient ré ouverts pour pouvoir observer ce qui se passait. Un sentiment de regret emplis mon cœur, je venais de repenser à ça. C'est de ma faute si je le fais pleurer ainsi. C'est à cause de mon refus de vivre. À ce moment là, je m'en voulait terriblement de lui avoir fait subir ça. Je ne réalisais pas encore à quel point je comptais pour lui, j'avais tellement été égoïste, quand je lui avais dis ça. Jamais au part avant je n'avais abandonné devant quelque chose. J'ai toujours essayé de donner le meilleur de moi-même et j'avais toujours réussi. Alors pourquoi, pourquoi maintenant j'ai décidé de tout laisser tombé? La même lueur de détermination qui avait autrefois illuminé mon regard était revenue, mais elle disparut à nouveau, assez rapidement. Pendant un instant, je m'étais cru capable de n'importe quoi, mais ma blessure, ma blessure visiblement mortelle allait causer ma perte.

J'attendais à nouveau la mort, qu'elle vienne me chercher pendant que Akemi nettoyais mes froides lèvres de mon sang. Je le regardais, pleurer comme je n'avais jamais vu quelqu'un pleurer. À nouveau, le sentiment de culpabilité vint me frapper en plus de la douleur. J'allais donc le laisser dans ce monde cruel? Juste pour cet acte, je méritais d'aller en enfer pour l'éternité. Akemi était selon moi quelqu'un de bien, il ne méritait pas de souffrir d'avantage. Après une mort de ce genre, pour une personne, combien de temps cela prenait pour que cette personne décide de se rapprocher de d'autres personnes? Je n'en n'avais aucune idée.

Au moment où j'ai tendu les bras vers l'avant pour pouvoir le serrer dans mes bras une dernière fois, un mouvement très surprenant de sa part m'avait fait un léger choc. Mon général, non, Akemi, mon ami, m'avait embrassé sur les lèvres. Plusieurs liens s'étaient donc formés dans ma tête, plusieurs questions avaient trouvé une réponse. Je comprenais désormais pourquoi cet homme tenait tant à moi. Il était amoureux de moi. J'avais cru cela impossible, mais ce geste me prouvait le contraire. Sa maladie dont il avait souffert autrefois était de ma faute, c'était parce qu'il était amoureux de moi. Étais-je amoureux, moi aussi? Je ne savais plus quoi penser. J'étais attiré par Akemi, je souhaitais tout le temps passer du temps avec lui. Je pensais que sa maladie était contagieuse, je ne croyais pas que c'était ce genre de maladie. J'ai donc moi aussi été frappé par l'amour? Pourquoi n'avais-je pas reconnu ça? Étais-je trop ignorant pour cela? Voilà d'autres questions que je ne pouvais pas répondre pour l'instant. Je me contentais pour le moment de ce que j'avais.

J'étais certain d'une chose, cependant. Dans le présent, maintenant, je pouvais désormais affirmer que j'étais amoureux de lui. Mes bras s'étaient glissés derrière lui, pour serrer le vêtement qu'il portait. J'avais donc une raison à laquelle m'accrocher pour vivre. Je voulais vivre dans la paix avec Akemi à mes côtés et ne plus avoir à me soucier de la mort. Lorsqu'il tenta de s'arracher à notre baiser, j'avais faiblement avancé ma tête pour pouvoir l'embrasser de nouveau. Quelques instants après, ma tête s'était déposée contre son épaule. J'avais beau avoir de la volonté de vivre, mais le problème demeurait le même. Si je n'étais pas sauvé et soigné maintenant, j'allais vers une mort certaine. L'idée de mourir me revint en tête, mais cette fois-ci j'y avais pensé différemment. Je souhaitais tout sauf mourir. Je voulais qu'il me sauve pour pouvoir vivre avec lui. J'imaginais tout ce que je risquais de perdre si je mourrais, juste à cette idée, des larmes commençaient à couler sur mes joues, abondantes. Le fait de pleurer redoublait ma douleur, mais je savais que si j'avais mal c'était que je n'étais pas encore mort.

Mon amour m'ordonna ensuite de rester avec lui. C'était plutôt facile à dire, mais l’exécuter? C'était certainement la chose la plus difficile qu'il m'avait demandé jusqu'à aujourd'hui. Étourdis par toutes ces émotions, cette douleur et ce peu d'espoir que j'avais, je regardais le ciel. Il s'était couvert de nuages, en si peu de temps. Et dire qu'aujourd'hui, si nous avions pu, nous serions sorti tous les deux en ville pour profiter du soleil. Le ciel s'était-il couvert pour démontrer à quel point mon cœur était triste de ne pas pouvoir vivre plus longtemps? Il ne manquait plus que la pluie pour combler le tout.. J'avais reposé mon regard doré sur celui d'Akemi pour percevoir toute la tristesse et la colère qu'il éprouvait. Ses sentiments me transperçaient, mais je continuais tout de même de le regarder, d'un air presque suppliant de me sauver. Comme si lui, il pouvait y faire quelque chose.

Sauve-moi...S'il-te-plaît... Je t'en supplie...

Justement, il pouvait me sauver. Mon destin reposait complètement entre ses mains. Même si c'était peut-être perçu comme fuir un combat, je voulais qu'il m'emmène chez un docteur, ou quelqu'un qui avait des connaissances en médecine. C'était vraiment le seul moyen que nous pouvions avoir pour me sauver. Faiblement, j'avais essayé de me lever, mais mon corps ne m'avait pas le moindre mouvement obéis. Il était entièrement écrasé contre Akemi. Il ne voulait plus bouger. Pourtant, il le fallait, si je ne voulais pas finir à l'état de cadavre inanimé. Je ne connaissais pas de médecins dans le coin, peut-être que lui en connaissais.

Le temps s'écroulait tellement vite, ma respiration devenait trop difficile à supporter. J'avais fermé les yeux, pendant un instant j'avais l'impression d'avoir frôlé la mort de très près. Ré ouverts deux secondes plus tard, j'avais faiblement articulé quelques mots que Akemi n'avait pas pensé à cause de sa panique.

...Emmène-moi...chez un médecin....

Comment allais-je réussir à le bouger d'ici? Je ne voulais pas empirer son cas, ni le faire saigner davantage. Et puis soyons francs, je ne savais même pas où aller le porter. Je ne savais même pas dans quelle ruelle nous étions. J'avais beau avoir l'habitude d'arpenter souvent les rues, pendant les soirées, cependant je n'avais jamais porté attention aux emplacements des hôpitaux...

Toujours avec ma panique accompagnée de tremblements, je levai les yeux vers la plaque de rue. Ruelle Kingsway Street. Je ne savais pas non plus où nous étions, je n'étais pas plus avancé. Malgré tout, avec toute la douceur du monde, je pris Azzuen dans mes bras comme une mariée, tentant d'aggraver le moins possible la plaie sur son torse. Où allons nous aller, désormais? Peut-être qu'avec un peu de chance, si on cognait à une porte, un bon samaritain nous ouvrirait pour nous venir en aide, malgré ces coups de feu et ces cris qu'on pouvait bel et bien entendre jusqu'ici.

Nous sortîmes de la ruelle, mais du côté de la rue où il n'y avait pas d'affrontements. Je regardai une autre fois un panneau qui indiquait le nom du boulevard où nous nous trouvions. North Wall Road. Ce nom me disait quelque chose... Je ne savais pas vraiment où nous étions, mais le paysage qui nous entourait m'était familier : les bâtiments semblaient un peu plus récents, les briques des bâtiments étaient également un peu plus foncées, la certaine ambiance de tranquillité qui y régnait malgré le capharnaüm de l'autre côté. Je continuai malgré tout à marcher dans cette rue déserte mais bruyante vu l'escarmouche un peu plus loin, chuchotant à Azzuen que tout allait bien se passer. Ma voix se voulait réconfortante, mais tout mon calme intérieur habituel avait été chamboulé.

C'est devant une certaine maison que je me souvins d'où j'étais. Quand j'étais gosse, je venais ici, parfois. Mon ancienne petite copine vivait ici. Et le meilleur dans tout cela? C'était que je me souvenais très bien qu'elle avait mentionné vouloir devenir infirmière. Restait à savoir si aujourd'hui, elle l'était devenue et si elle vivait encore dans cette maison. L'idée de la revoir ne m'enchantait pas trop, mais c'était pour le bien d'Azzuen...

J'allai donc donner des petits coups de pieds dans la porte pour avertir de ma présence, ne pouvant pas toquer avec mes mains, vu que celles-ci étaient occupées à tenir le petit corps de mon protégé. Aucune réponse. Prenant le risque de dévoiler ma position à des ennemis qui avaient peut-être tentés de nous suivre, je parlai suffisamment fort pour que, même au-travers de ces murs, on puisse m'entendre. Je commençai par dire le pourquoi du fait que j'étais ici, puis j'enchaînai avec mon nom. À peine après avoir terminé d'avoir dit "Akemi", on m'ouvrit. Cheveux roux, yeux verts, visage d'ange : c'était bien elle, je l'aurais reconnue entre milles. Mon ex était devenue une très belle femme, voire même splendide. Rien à voir avec lorsqu'elle était une adolescente, même si elle était très jolie aussi à ce temps-là.

Je la suppliai de nous aider. D'une gentillesse presque naturelle, spontanée, elle nous fit entrer, prête à sauver la vie d'Azzuen.

Azzuen reposait sur un sofa de cuir alors que la femme était partie chercher les soins nécessaires. J'étais à genoux pour pouvoir être à la hauteur de mon soldat, je tenais sa main dans la mienne. Je lui répétais sans cesse que tout allait bien se passer, mais c'était surtout pour me rassurer.

Après qu'environ trente minutes de soin se soient écoulées, la plaie d'Azzuen était recousue, il ne saignait plus du tout et il ne risquait plus rien. La demoiselle nous expliqua que tout ce dont mon chéri avait besoin, c'était d'un peu de repos et de manger. Bref, reprendre des forces. Je la remerciai du fond du coeur, lui demandant si je pouvais faire quoi que ce soit pour que nous soyons quittes. Elle ne m'offrit qu'un petit rire timide, m'expliquant que ma simple venue ici lui avait fait un grand bonheur. En m'ayant dit cela, j'avais retrouvé cette lueur dans ses yeux qui, tout comme auparavant, dansait dans son regard... Il fallait que je m'éloigne de cette femme au plus vite, cette dernière était retombée en amour.

Et donc, je ne perdis pas de temps. Je repris Azzuen dans mes bras, même s'il avait probablement pu marcher seul, puis je sortis de la maison en remerciant encore l'infirmière et en lui disant au revoir. J'avais déjà le coeur plus léger, mon amour ne risquait plus rien, désormais...

Après que l'homme aux longs cheveux blonds ait déposé le jeune garçon par terre, ce dernier s'agrippa à lui. Et voilà, c'était suffisant pour que le blondinet ne sache plus quoi réagir à cela. L'enlacer ou simplement le laisser faire? En réponse au geste d'Azzuen, Akemi ne fit que passer sa main dans les cheveux rouges sang du plus jeune, ne sachant pas trop si c'était une bonne idée ou non.

De l'autre côté de la rue, soit où la bagarre s'était passée, ça semblait un peu plus calme. Mais cela n'importait pas vraiment : Akemi n'arrivait pas à se concentrer sur autre chose qu'Azzuen. Après tout, le général ne savait plus comment agir, avec lui. Comme si tout ne tenait qu'à un fil, le peu d'équilibre dans la relation de la recrue et de son supérieur ne semblait que dépendre des choix du plus vieux. Il fallait s'en douter : une action mal posée et tout s'écroulait...

Puis, brisant l'absence de parole, le garçon parla pour s'excuser. S'excuser de tout ce que son "ami" avait pu vivre par sa faute. Ce dernier qui avait vécu tant d'émotions par sa faute, mais qui ne lui en voulait pas pour autant. Après tout, le petit protégé de l'homme était vivant encore à cet instant précis et cela suffisait. Cela suffisait pour que celui-ci se fasse pardonner.

Réagissant à cela, Akemi prit la décision d'enlacer le jeune homme, plutôt que de simplement caresser ses cheveux. Le voilà qu'il laissait libre-cours aux émotions qui le submergeaient, alors qu'il aurait dû faire taire tout sentiment qu'il ressentait à ce moment-là

Vint ensuite quelques autres paroles exprimant les émotions qu'Azzuen ressentait possiblement à l'égard de son supérieur. Akemi sut encore moins comment réagir. Comment un simple gamin pouvait-il l'aimer, lui, un homme complètement perverti et alcoolique? Comment par un simple désir qu'il avait eu avait pu se réaliser aussi facilement? C'était impossible. Cependant, il voulait persister à y croire... Pauvre type, il ne savait plus du tout quoi faire, ni quoi dire.

Pour ne pas arranger la situation, le gamin en rajouta. Il rajouta qu'il était certain d'aimer ce gars. Le plus haut-gradé se mit à trembler légèrement, sans même répondre à Azzuen. Il se sentit tellement vulnérable qu'il avait même l'impression de pouvoir fondre en larmes, laisser couler toute la douleur qu'il s'était fait à lui-même à force de croire que cet amour était impossible, qu'une simple fantaisie.

Une boule se formait d'elle-même dans ma gorge, j'attendais impatiemment sa réponse. Je baissais de nouveau ma tête et mon regard, pour ne pas affronter le sien. Mon coeur battait, en même temps, à la chamade. Les regrets de lui avoir annoncé que je l'aimais se formaient peu à peu, me faisant stresser et regretter mes paroles. J'épouvais également un moins lourd poids sur mon dos, comme si une bonne partie de tout ce que je ressentais venait de s'envoler. Je ne savais plus si j'avais utilisé la bonne technique en lui révèlant mes sentiments qui étaient cachés à l'intérieur de mon coeur.

Aucune réponse ne venait. Seul sa main se baladais doucement dans mes cheveux et il fini par m'enlacer. Ces petites gestes m'avaient réconfortés et avaient su faire baisser d'une onze mon stresse. Cependant, il ne parlait toujours pas. À ce moment précis, je ne savais plus quoi penser. Mes pensées se bousculaient les une aux autres, voulant se faire entendre, mais seulement deux restaient dans ma tête. La première c'était qu'il était heureux et ne savait pas comment l'exprimer. Cette dernière m'aurait fais plaisir, mais mon autre pensée me faisait mal. Et s'il était dégoûté de moi? Peut-être qu'il n'était pas capable de réagir parce qu'il ne s'y attendais pas.

Je décidais donc d'utiliser la seule façon de le savoir, c'est-à-dire, regarder comment il réagissait. Je n'osais pas vraiment lever la tête, me faisait-il un sourire, était-il perturbé, ou je ne sais quoi? Bonne question. Serrant plutôt fort les dents, j'enlevais ma tête de contre lui pour le regarder directement dans les yeux. Il semblait tout sauf heureux, à vrai dire. On aurait pu jurer qu'il allait pleurer. Je perçus par la suite les tremblements de son corps. Tout ça, ce n'était pas ce que j'espérais. Mais pourquoi avais-je donc avoué mes sentiments? Il était peut-être triste parce que ce n'était pas ce genre de relation qu'il espérait.

J'avais moi-même envie de fondre en larmes. Je voulais simplement retourner aux dortoirs pour pouvoir être tranquille et ne plus être près de lui. Pour moi, c'était certain, il ne m'aimait pas. Il était dégoûté par moi. Il allait même certainement bientôt me repousser. Je ne voulais pas que ce soit lui qui fasse ça, puisque ça me ferait trop mal. Je me dégageais brusquement de ses bras et reculais de quelques pas. Je faisais par exprès de ne plus le regarder dans les yeux. J'ouvrais la bouche pour essayer de lui dire qu'il fallait retourner, mais aucun mots ne sortit. Je lâcha quelques sanglots avant de m'en empêcher du mieux que je le pouvais. Il ne devait pas voir à quel point cela m'affectais de me faire rejeter ainsi. En plus, je n'avais même plus de chandails, parce qu'akemi me l'avait arraché pour m'en faire un bandage.

Je m'obligeais à parler, cette fois-ci. Je me dépêchais de lui répondre et répondre courtement afin de ne pas pleurer.C'était difficile, très difficile. Je me retournais pour commencer à marcher plutôt lentement. Ma blessure me faisait très mal, encore. J'avais de la difficulté à marcher, parfois j'avais l'impression que j'allais tomber.

-...On doit y retourner!....

Azzuen le lâcha finalement. Le blond cherchait encore le Nord, il cherchait encore comment réagir. C'était la première fois qu'il se sentait aussi ébranlé. On osait rarement le contredire, surtout lorsqu'il s'agissait de quelque chose qu'il considérait comme la pure vérité. La "vérité" en laquelle il avait cru dur comme fer venait se s'écrouler en un instant. Tout ce qu'il avait dit ou fait à Azzuen se basait uniquement sur ce simple principe. Sur le principe qu'il n'y avait aucune chance que ça se termine aussi bien que les contes de princes et de princesses.

Même quand le jeune fut décollé et semblait vouloir fuir Akemi, l'homme le regarda. Son regard était perdu, complètement perdu, autant que son esprit était confondu. Il fallait qu'il réagisse, sinon Azzuen allait lui glisser entre les doigts et il n'allait même plus avoir sa chance. Ce gamin l'aimait, il le lui avait avoué, il ne pouvait plus reculer. C'était sa seule et unique chance.

Le petit garçon aux cheveux rouges commença à marcher pour qu'on y retourne. Akemi commença à marcher plus rapidement pour le rattraper. Il faisait semblant d'avoir gagné en assurance, bien que ce soit tout le contraire. Le général avait rarement été obligé de jouer des émotions, alors autant vous dire que celui-ci faisait un bien piètre acteur.

Le blond attrapa doucement le bras de l'adolescent. Toujours sans être brusque, le plus grand le rapprocha vers lui et le serra de nouveau, mais surtout contre son coeur, cette fois-ci. Celui-ci battait très fort et très rapidement. Le poète était privé de ses mots par la faute de toute sa stupeur, aussi ironique que cela puisse paraître. Ce dernier avait donc usé d'autre chose pour faire comprendre ses sentiments.

—T-tu... tu l'entends...? Tu le sens, dis-moi...?

Même sa voix flanchait. Cette voix qui, pourtant, pouvait être si puissante. Et si seulement sa voix et sa tête avait voulu coopérer avec Akemi afin de faire passer le message autrement que par cette façon un peu trop idiote à ses yeux...

Je ressentais encore de plein fouet toute la douleur que ma blessure m'apportais, mais je gardais mes émotions pour moi-même. Je ne souhaitais pas pleurer toute la tristesse dont je ressentais pleinemnet. Plus jamais, je n'allais dévoiler mes sentiments, il venait de m'enlever complètement l'envie de. Je ne souhaitais plus le voir avant un bon moment, quite à prendre des vacances qui dureraient longtemps. Maintenant, au lieu de me "chouchouter", allait-il me le faire payer de l'avoir aimé? Non, d'avoir aimé mon supérieur, un homme en plus de ça.

D'un geste innatendu, l'homme aux cheveux blonds que j'essayais de fuir m'attrapais le bras. Mon premier réflexe, fut d'essayer d'essayer de lui échapper, mais sans grande conviction. J'avais peur qu'il me frappe. Juste un coup de sa part, pourrait me blesser gravement, ou bien me faire perdre connaissance. Je préfèrais ne pas y avoir affaire. La chose qui me semblait pourtant inévitable ne se produisit finalement pas. C'était la dernière chose à laquelle j'avais pensé, le fait qu'il m'attire contre lui pour me serrer dans ses bras. Quand je sentais qu'il me tenais, je m'étais abandonné entièrement à lui, comme incapable de supporter le poids de mon corps un peu plus.

J'entendais les battements irréguliers de son coeur, qui tappaient plutôt fort contre sa cage thorassique. Depuis que je venais dans sa chambre, presque tous les jours, j'avais pris comme habitude d'écouter son coeur, puisqu'il me relaxais. Chaque fois que je l'écoutais, je me sentais calme, détendu et une agréable sensation m'envahissais. Malgré les conditions dans lesquelles je me trouvais présentement, il avait réussi à me calmer. Je lui murmurais une réponse, je ne savais même pas s'il l'avait entendu, mais je n'en doutais pas.

...Oui

Je ne bougeais pas, j'étais tellement réconforté juste par ça. Je me sentais beaucoup mieux, à présent. Je le savais qu'il ne me détestais pas, puisque si cela avait été le cas, il m'aurait fait mal, comme lorsque l'on s'est rencontrés, il avait voulu me faire faire l'impossible. Sur le moment, je ne m'étais pas questionné à propos de son geste, mais peu après la réponse me vint en tête. C'était plutôt évident, mais ce l'était tellement qu'en fait je n'y avait guère prêté attention.

...Tu aurais dû être plus clair... Je pensais que tu étais dégoûté et que tu voulais me frapper...

Lorsque le général l'eût attiré contre lui, le plus jeune s'agrippa à lui, cherchant son appui afin de rester debout sur ses faibles jambes. L'étreinte se referma le plus doucement possible sur lui, cherchant à le réconforter. Akemi ne le lâcha pas. Il ne le lâcherait pas non plus, jamais : celui-ci devait lui appartenir entièrement. Même si, malgré cela, c'était Akemi qui allait certainement lui offrir tout ce dont il possédait, soit son âme et son corps. Le blond allait se retrouver écrasé au sol devant lui, cherchant à faire n'importe quoi pour lui plaire entièrement allant même jusqu'à tenter de se changer pour lui. Dépendance affective, obsession, jeûne d'alcool et arrêter de passer d'une personne à l'autre sans s'attacher vraiment, l'attendait. Cela allait emmener nombreux changements dans sa vie, sans aucun doute, mais ceux-ci allaient-ils être pour le mieux? Le général était un alcoolique à la personnalité exécrable, accroc au sexe. On ne pouvait pas changer ces aspects de sa personnalité, quoi qu'il puisse y faire.

Un certain silence flottait dans l'atmosphère. L'homme blond avala nerveusement sa salive, attendant une réponse. Il ne gérait pas la situation comme à son habitude, ça lui faisait presque perdre la tête. Avec l'impression qu'il y avait une plaque de glace sous ses pieds, prête à le faire renverser au moindre pas non-contrôlé, il savait qu'il devait éviter de trop avancer vers Azzuen, à proprement parler. Ce devait être celui-ci, qui devait faire les pas vers lui... C'était pour ça que la réponse du petit était attendue impatiemment.

Un simple oui lui parvint aux oreilles. Acquiesçant simplement à sa question quant aux battements de son coeur, la réponse ne suffit pas au haut-gradé. L'adolescent lui avait dit qu'il l'aimait, en effet. Ce n'était pas suffisant, malgré tout. Ce dernier allait probablement abandonner, un jour. Dans les joies et dans les peines, le petit n'allait pas réussir à suivre le supposé élu de son coeur. C'était pour ça qu'Akemi allait tout faire pour s'adapter... Il avait eu l'habitude de vivre un peu à la Mister Hyde et à la Docteur Jekyll : le jour, horrible soldat violent, le soir et la nuit, gentil jeune homme masqué d'une étrange personnalité qui ne lui ressemblait pas vraiment. Échangez la potion magique pour l'alcool et le sexe, et voilà, vous aviez le portrait craché de la vie d'Akemi. Suffisait également d'échanger le "beau" côté de lui pour la nuit et le "mauvais" pour le jour. Ce mode de vie allait devoir cesser, dès que leur couple sera confirmé.

Articulant avec la même difficulté que son oui d'il y avait peu, le gamin dit des mots qui choqua le plus vieux. Dégouté et violent, c'était ça l'image qu'il donnait au jeune? Le blond le repoussa, cette fois-ci. Eh voilà. Il avait fait un faux-pas, le sol gelé allait le faire glisser pour qu'il se retrouve les quatre sabots en l'air! Rien que pour l'avoir repoussé, rien que pour avoir été choqué. Et voilà l'image figurée qui convenait le mieux au contexte... C'était déjà peine perdu, désormais! Tant qu'à faire, il aurait dû rester immobile, rester indifférent, ignorer.

Mais non, Akemi, il avait des sentiments, malheureusement. Donc cela allait être bien difficile, de rester froid, surtout dans de telles conditions.

Parce que soyons francs, son supérieur n'aimait pas entendre qu'il pensait qu'il allait le frapper. Ce n'était pas parce que le général se montrait violent parfois qu'il allait faire subir à ce dernier! Celui qui était plus âgé le fixa bien dans les yeux, tout en ayant fait un pas vers l'arrière pour s'éloigner un peu.

—Frapper? Tu penses ça de moi? Tu me prends pour un type violent, qui frappe quand ça ne lui plait pas, sans aucune autre raison?

Malgré ce qu'il pouvait bien dire comme charabia, son interlocuteur avait fort probablement raison...

Comment Azzuen savait le rendre si impuissant... C'était fou. À de tels commentaires, il n'aurait jamais réagi ainsi! Malgré tout, cette personne, c'était bien la seule personne qui aurait pu repeindre sa vie en paradis, tout comme en paysage post-apocalyptique...

Soudainement, mon poids ne fut plus retenu et je m'écroulais sur le sol, en lâchant un petit cri de douleur accompagné avec des gémissements. Mes mains étaient désormais couvertes de petits caillous avec de petits morceaux de cailloux. Mes coudes et mon avant bras étaient eux aussi emplis de ça. Le choc m'avait fais affreusement mal à ma plaie bandée et soignée fraîchement. Je ne comprennais même pas ce qui se passait, en ce moment même. Pourquoi m'avait-il fait ça? Je ne lui avais rien fait, pourtant. Je ne méritais pas le châtiment qu'il venait de m'offrir. Tel un gamin, des larmes vint couvrir mes joues. Je n'osais même pas lever mes yeux vers lui. Je ne serais même pas capable de soutenir son regard. Je me contente de porter mes mains à mes joues pour essuyer mes larmes.

La réponse à ma question vint peu après, ce n'était que parce qu'il avait été choqué que j'aie pu penser quelque chose dans le genre de lui? Pourtant, il venait juste de me faire mal, en me laissant tomber sur l'asphalte. Pour moi, ça se rapportait à la même chose que me frapper. Je n'allais pas en faire toute une histoire, vu qu'il n'y avait probablement pas pensé, même si la douleur était bien présente et elle allait rester là un bon moment. Je pourrais lui faire mal si je le voulais, mais ce n'est pas mon désire. Il ne peux pas m'abandonner maintenant et comme ça. Juste à cause de ces paroles qui n'étaient pas supposées le blesser.

—snnn...Tu m'aa fais mal...! hnn

Ce commentaire était inutile, mais je voulais juste qu'il comprenne qu'il fallait qu'il surveille ses gestes, enfin s'il s'en souciait ou s'il ne l'avais pas remarqué. Comment allais-je lui répondre que je pensais qu'il allait être violent avec moi et dégoûté? Il fallait que j'aille du tact parce que sinon il se fâcherais encore plus que ça après moi. Enfin, s'il est fâché. Toujours en pleurs, je continue d'articuler le mieux que je peux et ne pas trop démontrer que j'ai mal.

—C-C'est juste que... J'ai repensé à la première fois qu'on s'est rencontrés et...je me suis dis que tu pouvais snnn... peut-être m'en vouloir... Je t'ai vu quelques fois être méchant avec certaines personnes... Alors... Tu aurais pu m'en vouloir parce que ce n'était peut-être pas la relation que tu voulais, au fond... Je m'excuse...snnnn....

Ma réponse contenais entièrement pourquoi je pensais qu'il m'aurait frappé. Maintenant, manque plus de savoir s'il le prends bien ou mal...Je me suis excusé au moins d'avoir pensé de cette manière, c'est déjà ça.

En repoussant le plus jeune, ce dernier tomba au sol. Akemi y resta indifférent, cherchant même à faire un autre pas vers l’arrière pour s’éloigner un peu plus. De la façon que le blond agissait, on aurait pu le comparer à un petit animal sauvage qu’on tentait d’apprivoiser : au moindre faux mouvement, sa confiance en l’autre allait être complètement perdue.

Son supérieur n’avait pas fait exprès de le faire tomber. Le maître du petit disciple connaissait bien sa force et il savait ce dont il était capable. Ce dernier n’avait pas poussé le gamin suffisamment fort pour qu’il se retrouve au sol, dans sa tête. Le blondinet le prit comme si Azzuen avait fait exprès, rien que pour le faire se sentir mal. C’était une autre raison du pourquoi il ne voulait pas montrer la moindre compassion à son égard. L’adolescent allait peut-être en abuser et le manipuler grâce à ça, qui sait?

Et sans parler de ses gémissements et de ses pleurs! Voilà, le haut-placé était désormais dégoûté. Que pouvait-il bien vouloir lui soutirer, à force de tout faire pour attirer la pitié de celui qui se méfiait? Ce pauvre type n’était pas si naïf que ça. Il n’allait certainement pas tomber dans le panneau!


Dès que le jeune se soit plaint de sa douleur, au moment où ce dernier avait terminé de prononcer le mot "mal", Akemi intervint.
—T’as pas mal, vas-y relève-toi, connard!


Il poursuivit, le mépris d’Akemi envers son interlocuteur s’intensifiant toujours un peu plus. Jamais le Asaki n’avait eut envie de frapper Ezariel. C’était la première fois, mais il avait envie de le frapper pas qu’avec ses poings, mais également lui donner de grands coups de pieds dans les côtes. Tout ça rien que pour le faire payer…

Avec sa manie de prendre trop souvent certaines actions des autres personnellement, qui étaient dans le but de le nuire ou de le manipuler, ils allaient difficilement pouvoir s’entendre, cette fois-ci.

—Tu crois quoi, que je vais te pardonner? Tu ne me manipuleras plus, merde!

Ce fut le mot « Monstre » qui le tétanisa le plus. Akemi prit d'ailleurs le temps de bien analyser tout ça. Il s'interrogea lui-même, question de vérifier si les dires d'Azzuen étaient fondés. Au final, le général l'eut, sa réponse. Cela ne lui plut pas du tout, mais c'était comme ça. En prenant une certaine distance sur ce qu'il était maintenant et ce qu'il était précédemment, ça lui avait éclaté au visage. Comme une grosse vague qui l'avait frappé de plein fouet, tant qu'il avait bu la grande tasse.

Celui qui semblait bien s'être amusé avec le coeur du haut-gradé lui avait semblé être la seule personne de son côté. À l'entendre lui cracher de telles paroles, il eut l'impression de nouveau d'avoir tout le monde contre lui. C'était le cas, d'ailleurs..! Maintenant, il devait déguerpir. Quitte à le laisser là, seul.

Sortant de sa torpeur, l'homme descendit son regard vers ses pieds, un sourire qui puait l'échec aux lèvres. Ses poings étaient fermés, prêts à frapper. Jamais il n'avait eu autant envie de faire mal à quelqu'un d'autre et il y avait de quoi. Le traitre dans tout ça, c'était l'adolescent. Certainement pas le haut-gradé : il n'avait pas vociféré de telles injures avec tant de rage et de haine, lui, au moins. De telles idées à l'égard de cet ex-soldat? Jamais aucunes ne lui avaient traversé l'esprit. Pas même à ce moment-là, alors que ce gosse avait mis à nu tout ce qu'il pensait de lui, sans aucune vergogne. Mais bien évidemment que si n'importe qui connaissait la situation, ce serait lui qui serait reconnu comme coupable, si? Ce n'était pas comme s'il y avait quelqu'un pour défendre son point de vue, de toute manière.

Pour tout dire, il fit de son mieux pour immédiatement passer à autre chose. Son mode de vie ne devait pas être perturbé pour ce gamin. Tout ce qu'il pouvait y faire, c'était de laisser la poussière retomber, puis tout balayer sous le tapis, avec les mémoires qu'il avait eues d'Azzuen, y compris.

Faisant le premier pas pour retourner au camp, il lui envoya un peu de poussière qui jonchait au sol du côté du pied, en guise de réponse aux choses méchantes qu'il lui avait dites.

Les pas qui succédèrent le premier furent de plus en plus rapides, jusqu'à courir, courir à toutes jambes. Un peu comme un lapin qui détalait par la faute d'un prédateur, au final. Au final, Akemi n'était pas aussi solide qu'on pouvait le croire. Suffisait de choisir les bons mots et la bonne personne pour les dire.