Pendant que le général corrigeait la moindre imperfection dans la position de ses soldats placés en rang devant lui, il vit entre une tête blonde et une tête rousse un espace de libre. Pour l’instant, le blond n’y fit pas attention, continuant de marcher devant ce long mur bien droit de fantassins qui faisaient de leur mieux pour ne plaire à leur supérieur afin de ne pas se prendre des coups. Une fois que le plus haut-gradé eut terminé, il dit à cette bande de sale chiens errants de partir faire leurs exercices. Ceux qui traînaient la patte eurent droit à chacun un bon cent pompes à faire d’affilé. Un sourire quelque peu sadique au visage, il assista à chacun des durs efforts déployés pour arriver au bout de cette longue série de push-up, à laquelle il ajouta deux cents redressements assis, rien que pour les faire suer encore un peu plus. Cette punition était plus ou moins méritée, mais il prenait bien plaisir, à se faire obéir autant.

Cependant, dès qu’il eut terminé de bien rigoler de la tronche des bâtards qui avaient décidé de ne pas se dépêcher, il se mit à chercher. Le blond était à la recherche de l’absent. Le Asaki était certain de l’avoir vu la journée d’hier. Probablement que ce pauvre con était encore aux dortoirs. Pendant que ses sous-fifres travaillèrent dur pour venir à bout du parcours, Akemi se mit à chercher l’homme manquant.

Il commença par aller dans les dortoirs. Personne n’était là, sauf peut-être les rats et autres vermines qui avaient trouvé refuge dans cette pièce dégoutante et bordélique qu’était le dortoir des garçons. Des vêtements traînaient au sol, une odeur de pourri flottait dans l’air, sans oublier les lits qui n’étaient même pas refaits. L’endroit le dégoutait tant qu’il sortit immédiatement, bredouille. Le jeune homme fut surpris d’avoir déjà dû vivre dans un tel endroit…

Ce fut au tour de la cour extérieure en général qui passa au peigne fin. En vain, encore. Akemi ne l’avait toujours pas trouvé, et il commençait à s’impatienter. Mais où était donc cet absent, qu’il passe un très mauvais quart d’heure?

Celui qui traquait la petite souris qui se cachait bien des griffes du méchant chat décida de retourner à ses soldats qui travaillaient afin de mieux les surveiller. Il allait trouver ce pauvre con plus tard, de toute façon. Et c’est là qu’il vit un garçon, adossé à un muret, en train de roupiller….

Tentant tant bien que mal de contenir toute cette rage, vis-à-vis cet immense manque de respect, Akemi se rendit près du jeune homme. Oh putain, ça oui, il allait tellement lui en faire baver. Il allait se montrer doux et gentil, avant de le brusquer, le violenter, bref, tout pour lui faire bien mal!

Sans faire aucun geste brusque, le général s’accroupit près du dormeur. Le blondinet le secoua doucement, sans trop être violent.

Sa voix ne prit pas la force du tonnerre, cette fois-ci. Elle était douce, mais tout en gardant une certaine autorité.
—Eh, debout gamin. C’est l’heure de faire l’entraînement.

Le gamin marmonna quelques mots, à moitié arraché des bras de Morphée. Akemi n'y avait pas vraiment fait attention : ce que disaient ses soldats, il s'en balançait. L'important, c'était les résultats qu'ils lui donnaient. Ce que Kevin faisait plus ou moins bien, d'ailleurs. Probablement que si c'était un autre de ses fantassins qu'il avait trouvé dans une telle situation, il l'aurait laissé dormir là, mais c'était loin d'être le cas.

Le môme de quinze années ouvrit finalement les yeux. Ce dernier ne se releva pas. Il ne resta qu'allongé au sol, comme si les recommandations de son supérieur ne valaient même pas un rond. Sans parler de ce sourire de connard qui donnait envie au blond de lui arracher les yeux. Heh, ce sombre idiot aurait peut-être cessé de sourire, si le Asaki avait tenté le coup, qui sait? Le jeune homme avait perdu patience, rien qu'à cause de cette attitude impolie.

La goutte qui avait fait déborder le vase, c'était sa deuxième répartie. Kevin n'avait pas envie de faire l'entraînement comme tout le monde, avec le simple motif qu'il était fatigué? Ce n'était pas que les yeux qu'il avait envie de lui arracher. Lui couper la langue aussi aurait été bien! Mais non, la seule chose qu'il s'était dit, c'était un truc dans le genre de "Restons bien posé, ce n'est pas un gosse qui va me faire sauter un plomb". Le brunet enleva la poussière de ses mains tout en en envoyant un peu sur le blond.

Celui-ci se releva brusquement, ne cherchant plus à être doux. Le général avait voulu faire son gentil pour mieux le caler, mais ce plan avait lamentablement échoué. L'impassibilité lui avait manqué, une fois de plus!

Malgré tout, il ne hurla pas et ne frappa encore moins. Un simple regard de tueur fut lancé au plus jeune, bien que l'autre ne l'ait point fait exprès. Que voulez-vous, dans sa tête, de nombreuses scènes de meurtres où il tuait encore et encore ce p'tit con s'y déroulaient!

—Tes ridicules volontés ne valent rien, sur ce camp. Tu es sous mes ordres, donc tu devrais peut-être te grouiller le cul et m'obéir, eh!

Même s'il était méprisant et menaçant, il ne hurlait pas, ça non. L'agressivité était bel et bien lisible dans sa voix, par contre.

Akemi serrait les dents et se battait contre lui-même pour ne pas lui donner une droite. Comment ce môme pouvait-il rester planté là, à attendre que quelque chose se produise? Ce sale môme... Et d'ailleurs! Comment un pauvre gosse de quinze années s'était-il ramassé ici? Pourquoi avait-il accepté qu'il s'enrôle? Asaki regrettait déjà amèrement d'avoir ce soldat, très peu assidu à son travail, dans ses rangs. Pour tout dire, ce dernier était l'un des pires qu'il avait!

La réponse de Kevin le fâcha encore plus. Ne pas dormir n'était pas bon pour la santé, en effet, mais ce n'était pas une raison de désobéir. Surtout si votre général est ce très cher Akemi Asaki et qu'il a envie de vous exploser la mâchoire d'un bon coup de poing dans la tronche. Ce fantassin n'est pas assez soumis, pensa-t-il simplement. Il faudrait que cela change... Il avait du mal à s'y faire à cette idée, mais le haut-placé allait devoir frapper pour de vrai un enfant. Oui, parce que bien qu'il aime bien frapper, celui-ci avait un peu plus de mal à frapper les femmes (sauf une en particulier!) et les gamins... Akemi avait un coeur, tout de même.

Il lui répondit brusquement et rudement, à la seconde où le garçon eût terminé sa phrase.

—Et ne pas suivre mes directives, c'est encore pire, crois-moi.

Oui, choisissez. Entre avoir quelques côtes brisées à force de recevoir des coups de pieds et des yeux au beurre noir ou manquer de quelques heures de sommeil, quel est le moins grave (et douloureux)?

Le garçon ne répondit pas, visiblement absorbé par ses pensées qui se faisaient sans aucun doute très futiles. Quand monsieur le général parlait, il fallait l'écouter. La main de ce dernier partit toute seule. Kevin eut une bonne claque en arrière de la tête, question de le tirer de sa rêverie.

—Quand je te parle, écoute, sombre idiot!

Akemi se sentait déjà un peu mal d'avoir frappé un plus jeune...

Le jeune garçon regarda l'adulte d'un air qui fit sentir ce dernier un peu coupable. Cette -adorable- bouille de môme réprimandé avait bel et bien un effet sur le grand blond, bien que celui-ci fit de son mieux pour ne rien en montrer. Sous ses airs de dur, on voyait bien qu'il aimait bien les trucs mignons... Exactement comme ce soldat, qu'il n'avait plus revu depuis cette querelle... N'entrons pas dans ce genre de détail, notre pleurnichard pourrait en pleurer. Et puis ne comparons pas non plus celui-ci à celui-là, parce que cette situation et l'autre étaient totalement différentes.

Il s'excusa donc. Akemi y trouva son compte, sauf que cela n'allait bien évidemment pas suffire pour que ce gamin rachète son erreur.

Alors que le gamin commençait à s'éloigner un peu, l'adulte le saisit par le dos de son uniforme sans douceur pour le retenir encore quelques instants, le temps qu'il lui dise quelque chose qui allait certainement déplaire au gamin.

Le soldat gradé fit l'un de ces airs bien snob, comme il avait l'habitude, puis le dit avec un ton si léger qu'il semblait frôler la moquerie.
—Dix kilomètres de plus pour toi au parcours, mon petit ♥

Et franchement, pour un si jeune et faible garçon, cela n'allait pas être du gâteau. Après avoir autant couru, grimpé et rampé sous des barbelés autant, le pauvre allait être mort d'épuisement! Le parcours était même encore un peu difficile pour le général après tout, alors qu'il l'avait couru tant de fois pendant ses dix années de service militaire.

Mais bon, ça, c'était si cet enfant ne décidait pas de retourner roupiller dans le coin, une fois l'attention de son supérieur détournée ailleurs. S'il osait faire cela de nouveau, de toute manière, il allait se faire taper... Non sans regrets, du côté du haut-gradé! Bon, cela allait sans doute venir avec le temps, et Akemi pourrait le frapper sans vraiment s'en vouloir par la suite...

Les heures passaient, il avait perdu de vue le jeune garçon réprimandé. En même temps, le général ne l'avait pas non plus cherché du regard, étant trop occupé pour porter attention à ce môme. Akemi ne lui faisait pas du tout confiance, mais de toute manière, s'il le prenait en faute, il allait le punir et l'en faire baver.

Ce fut finalement l'heure du repas, il était midi pile. Le camp était désormais désert, les soldats étant tous très pressés d'aller reprendre les forces perdues et de prendre une pause. Désert ou presque. Le regard du blond s'arrêta aux barbelés. Quelqu'un y était allongé encore, inerte. Les cheveux noirs et le corps aux proportions juvéniles lui rappela immédiatement quelqu'un : c'était ce gosse qu'il avait pincé en train de dormir. Et d'après ce qu'il pouvait voir, soit il y avait eu récidives, soit c'était qu'il s'était évanoui sous l'effort, chose qui arrivait de temps en temps aux soldats.

Sans se presser, le haut-placé se dirigea vers le dormeur. Une fois arrivé, Akemi se pencha et saisit sans aucune douceur la jambe de l'enfant pour le tirer de sous les barbelés. Il dormait encore ou était tout juste sur le point de se réveiller. Mais c'est pas croyable putain! J'devrais le virer sur-le-champs! pensait-il, furieux.

Celui qui était encore allongé au sol se prit des coups de pieds dans les côtes. Le général, connaissant bien sa force, frappait suffisamment fort pour lui faire mal, mais pas assez pour lui briser des côtes, chose qu’il aurait pu facilement lui faire. Il avait abandonné sa pitié d’il y avait quelques heures, désormais, il était en colère.

Tant qu’il lui hurla dessus de se lever, sans cesser de le frapper toujours un peu plus fort. Ah, c’était que ça défoulait! Il ne frappait jamais autant ses fantassins, mais certaines exceptions brisaient cette coutume, faut-il croire! Et Kevin n'était pas vraiment la seule exception non plus...

Kevin tentait de se relever, mais Akemi ne fit qu'en redoubler les coups, question de le clouer entièrement au sol et d'éviter qu'il s'échappe. Ce gamin avait voulu dormir pendant l'entraînement alors que ses frères d'armes, eux, avaient dû courir jusqu'à n'en plus pouvoir? Qu'il en paie les conséquences. La pitié de son général quant à son cas, elle venait de disparaître en un claquement de doigt, rien que pour ce considérable manque d'effort.

Le garçon réussit à s'éloigner des coups portés cruellement à son petit corps fragile, se remettant par le fait même debout. Asaki le regardait avec frustration. Celui-ci se retint néanmoins de se jeter sur lui pour l'étrangler jusqu'à son dernier souffle. Quelque chose en ce jeune garçon l'énervait au plus haut point, tant qu'il avait envie de le battre jusqu'à ce que mort s'en suive... Probablement était-ce son manque de motivation pour l'entraînement, qui sait. Son manque de motivation à vouloir s'améliorer, vu comment il était petit et faible.

Geignant d'une façon que le général aurait pu trouver bien adorable s'il ne voyait pas aussi rouge, cette fois-ci, cela l'énerva un peu plus. Des excuses, des excuses, des excuses : il n'en avait que faire des excuses, tout ce qu'il voulait, c'était des soldats assidus et forts. Les excuses ne valaient rien du tout, contrairement aux résultats. Serrant simplement les dents, le regard du général s'assombrit un peu plus. Tous ses muscles semblaient bandés, raides, comme s'il était prêt à sauter à la gorge de ce môme. Un vrai chien enragé, eh.

Pour ne pas améliorer la situation, accompagné du gargouillement du ventre du gosse et d'un sourire complètement niais, il lui dit qu'il devait partir pour reprendre des forces. Le blond savait très bien que s'il s'attaquait de nouveau à Reynigen, il allait le tuer, ne sachant pas du tout contrôler sa force dans des moments où il était autant en colère. Il le laissa donc partir, bien qu'il lui aurait fait faire volontiers une dizaine de tours de parcours.

Il laissa passer cela pour cette fois-ci, mais les prochaines fois, probablement que le jeune allait s'en sortir avec bien plus que des ecchymoses un peu partout sur le corps!