Je n'avais pu fermer l'oeil de la nuit. Alors que le soleil se levait tout juste et que les oiseaux commençaient à chanter, je sentais déjà que j'allais devoir lutter contre cette envie irrépressible de rester coucher et de ne pas mettre le pied hors de ma chambre pour aller travailler. Je prédisais déjà que le sommeil n'allait me rattraper qu'une ou deux heures plus tard, compliquant ainsi ma journée : les soldats le remarquaient très bien lorsque je n'avais pas suffisamment dormi. Ils se permettaient plusieurs écarts, croyant sans doute que je ne remarquerais rien ou que je laisserais couler. Certains n'étaient pas aussi atteints de cette indiscipline mais... je savais que ceux-là, ceux qui s'amusaient parfois à me faire péter un plomb, allaient se faire plaisir. J'attendais déjà impatiemment la fin de cette journée, qui s'annonçait pour le moins pénible...

Quelques minutes tout au plus suffirent pour que je trouve les convictions de me lever, même si, comme bien souvent, je me serais très bien passé de cette journée de travail. Je me préparai rapidement, plus rapidement que d'habitude. Plus vite cette journée allait commencer, plus vite elle allait se terminer, me disais-je pour m'encourager...

Les premières heures se passèrent bien, mais sans plus. Bien que je commençais à somnoler, être affecté à la supervision du camp n'avait que du bon. Plutôt que de courir le parcours, soulever des charges énormes et me dépenser physiquement à n'en plus pouvoir, je ne faisais qu'entraîner les soldats et m'assurer à ce qu'ils ne traînent pas trop. Mon entraînement à moi, comme à chaque fois, j'allais le faire dans la soirée. C'était les problèmes de plus tard.

Onze heures arriva finalement. Toujours aussi fatigué et peu impliqué dans la simple tâche à laquelle j'étais assigné, je jetai un regard vers Emma, m'ennuyant un peu d'elle. Sans grande surprise, elle semblait se disputer avec un autre soldat. Comme à l'habitude, j'avais envie de donner un bon coup à cette personne qui l'embêtait, mais je résistai à cette tentation une fois de plus à la situation. De toute manière, ce n'était pas comme si je pouvais intervenir...

Puis soudain, je vis Emma s'avancer vers l'autre, comme si elle allait frapper. Et merde! fut la seule pensée qui traversa mon esprit, alors que je me dirigeais déjà à la marche rapide vers eux. Elle avait sans doute ENCORE perdu son sang-froid, alors que je me souvenais très bien lui avoir dit de ne plus s'énerver contre ses collègues, encore moins de leur mettre des coups. Ne pouvait-elle pas suivre correctement les règlements au moins une fois? Apparemment non.

Au risque qu'elle jette son courroux sur moi, je lui attrapai fortement le bras. Du coin de l'oeil, je vis son adversaire lui faire un petit sourire en coin moqueur, mais cela ne m'arracha aucune réaction. Les yeux rivés sur la fautive, d'un ton qui n'aurait jamais laissé présager que notre relation était plus que simplement celle d'une soldate et de son supérieur, je lui lançai :

—Putain mais t'arrives jamais à garder ton calme toi, hein?

Je ne me sentais pas du tout d'humeur à devoir gérer ce genre de conflits dignes des cours de récréation. Mon manque de sommeil n'y était pas pour rien, j'imagine.