C'était une journée de merde qui s'enlignait. C'était entraînement, entraînement, encore entraînement, et ce, pour une bonne partie de la journée. Illy n'avait pas envie de se tuer à la tâche, mais elle savait bien qu'elle y était bien obligée. Le général n'était pas spécialement sur son dos puisqu'elle faisait bien les choses habituellement, cette dernière ne voulait donc pas que cela commence à cause d'une simple histoire de paresse...

Le parcours était probablement l'étape la plus compliquée. Après, normal quand on a un gros truc en fer d'accroché au cou, si? Mais que voulez-vous? Probablement que même sans ce poids mort, la jeune adolescente aussi forte qu'un mollusque allait être l'une des plus faibles du groupe. Malgré tout, elle faisait de son mieux pour égaler les autres : elle faisait exactement les mêmes épreuves que ses collègues... Malheureusement, les soldats devaient débuter l'entraînement par le parcours à obstacles! Ravenscliff savait pertinemment qu'après cela, elle n'allait même pas être capable de passer au-travers des autres tâches à exécuter...

Après avoir grimpé, couru quelques kilomètres, avoir passé sous de tranchants fils barbelés, la jeune demoiselle avait finalement terminé. Suant à grosses gouttes, complètement morte, elle alla s'asseoir sur un des bancs pour se reposer un peu. La pauvre, elle voyait presque double et ne se sentait pas vraiment bien, comme à chaque fois. La petite avait été la dernière à terminer le parcours, elle savait pertinemment que ses collègues, qui n'avaient qu'à peine une once de cervelle dans le crâne, allaient venir l'embêter pour cela, mais elle s'en fichait. Illy n'avait peut-être pas autant de cran qu'eux, mais elle savait très bien faire la dure de la feuille...

C'est donc après qu'une dizaine de minutes qu'un idiot se ramena. Ce n'était pas un des garçons qui faisaient partie du groupe habituel, elle en fut d'ailleurs un peu surprise. Même aussi mal en point qu'elle était, la soldate savait pertinemment qu'elle allait être capable de simplement ignorer les commentaires désobligeants qu'elle prévoyait arriver. C'était ainsi pendant chaque pause entre les entraînements!

Un jeune homme se présenta à la soldate en sueur. C'est avec un léger mal de crâne qu'elle leva les yeux vers le garçon. Rictus moqueur aux lèvres, la petite avait déjà deviné ses intentions. Le pire dans tout ça, c'est qu'elle n'en avait rien à foutre, tant que cela ne dépassait pas les mots. Morte de fatigue comme Illy l'était, cette dernière n'allait même pas pouvoir tenter d'esquiver des coups, si cet imbécile se décidait à la frapper. À la longue, la de Canterville commençait franchement à penser que la majorité des personnes qui s'enrôlaient dans l'armée n'étaient que des brutes. Des brutes avec tout dans les bras, rien dans le crâne. Et à voir la tronche de ce pauvre con, Illy fut convaincue que c'était le cas pour lui aussi!

Tentant peut-être de la sermonner pour la faire abandonner l'armée, il lui dit des choses qu'elle savait déjà. Le type aux cheveux bruns ne faisait que répéter ce qu'on lui disait souvent. Complètement insensible à ce flot de paroles inutiles, Ravenscliff ne lui avait décroché qu'un simple regard, détaché. Maître d'elle-même, nullement affectée, elle lui répondit un banal :

—Avant d'adresser la parole à quelqu'un, la moindre des choses ce serait de dire "Bonjour". Pouvez-vous m'expliquer explicitement la raison pour laquelle vous êtes venu me parler, plutôt que de me répéter des âneries qui m'ont déjà été dites au moins une centaine de fois?
Malgré le fait que le jeune homme l'ait carrément insultée sans vergogne, elle était toujours calme. Bien évidemment qu'elle trouvait pleins d'adjectifs pas très gratifiants pour le qualifier dans sa tête, mais la garde savait que les dire n'allait qu'apporter problèmes. Et Dieu sait comment la jeune demoiselle détestait avoir des ennuis!

Lâchant un dernier soupir, avant d'essuyer son front avec la manche de son uniforme. Pour avoir l'air un peu plus éveillée, à la façon d'une gamine, elle frotta ses yeux de ses poings pour y chasser toute fatigue. La voilà, la jeune était de nouveau prête à retourner au "combat". Retourner au combat tout en restant polie, bien évidemment. L'homme était probablement plus vieux qu'elle, elle se devait donc d'être respectueuse. Il avait quoi, sûrement trois ou quatre ans de plus qu'elle, mais la plus jeune le dépassait largement côté maturité.

—Vous savez, insultez les demoiselles n'est pas très élégant de votre part. Laissez-moi deviner, vous êtes célibataire, n'est-ce pas?

À la première répartie d'Illy, Darius semblait tout faire pour paraître insensible. La demoiselle n'en fut nullement impressionnée. Tout ce qu'elle voulait, c'était être tranquille, en paix, le temps qu'elle reprenne un peu ses forces. Or, le jeune homme l'en empêchait. Ravenscliff pouvait très bien s'endormir debout, tellement la fatigue l'assaillait! Peut-être que leur "débat très animé" allait la réveiller un peu plus, au moins.

Puis, l'autre se risqua à répondre. Une réponse qui ennuya la plus petite. Elle aurait bien aimé qu'il lui sorte un truc dans le genre qu'il était bel et bien un célibataire, mais pas un looser pour autant, bien que ce soit réellement le cas... La situation aurait été bien plus amusante! Mais bon, elle allait se contenter de cette réplique.

Et y répondre, sans oublier! La demoiselle doutait fort bien que ce gars ait une petite copine. Certes bien bâti et pas du tout moche, mais pourtant ennuyeux, ennuyant et surtout, très impoli. Tout le contraire d'un gentleman, pour faire bref. Dans ce cas, le pauvre type devait sans doute se payer une prostituée, eh? Question d'apaiser ses envies. À cet âge, les hommes ne pensaient qu'à baiser, baiser et encore baiser, après tout. À cette pensée, Illy fut encore heureuse de préférer la gente féminine.

—À ce que je sache, les filles de joie que l'on paie pour une soirée, ça ne compte pas, désolée...

Grâce à cette réponse, la jeune de Canterville risquait représailles de la part de l'homme qui lui sembla soudainement un peu plus costaud. Elle se leva donc... et commença à marcher d'un pas rapide. Eh oui, c'était pour fuir. Celle-ci craignait que le roux tente de la remettre à sa place à l'aide de ses poings. Son arrogance avait un peu dépassé les bornes.

Sans s’arrêter, elle lui lança d’une voix un peu moins assurée :
—Tentez au moins à vous démarquer du lot, utilisant autre chose que des insultes à la noix, puis peut-être qu’ensuite je daignerais vous écouter.